Et in Arcadia ego : station de test J.A.M.M.A. et J.V.S.
Quiconque s’investit dans l’arcade au-delà de M.A.M.E. va forcément être amené à mettre en pratique, voire à acquérir, certaines compétences en matière de bricolage. Paradoxalement fragiles alors qu’ils ont amenés à fonctionner dans des conditions difficiles, ces jeux sont en effet prompt à des pannes aussi diverses que variées, qui peuvent aller du simple problème de tension — cas le plus fréquent — jusqu’à des composants défectueux, en passant par tous les bricolages plus ou moins heureux qu’ils ont pu subir.
Or, tester et réparer un circuit imprimé en utilisant une borne d’arcade est loin d’être pratique, en plus d’user prématurément, du fait des nombreuses mises sous tension, un matériel non seulement coûteux, mais également de plus en plus difficilement remplaçable. En outre, l’outillage nécessaire n’a pas vocation à rester près de ladite borne, même si certains y trouveront une idée de décoration digne de Valérie Damidot.
D’où la nécessité de disposer d’une station de test, facilement transportable, réparable et renouvelable, qui trouvera aisément sa place dans un atelier tout en étant suffisamment solide pour ne pas subir un environnement forcément moins avantageux qu’un salon ou une salle de jeux privée. En outre, elle devra être raisonnablement universelle pour permettre de tester sans effort la majorité des cartes du marché, des plus anciennes aux plus récentes.
J’ai décidé de résoudre ce problème en deux temps, tout d’abord en réfléchissant au châssis de la station puis en mettant au point un circuit électronique à la fois simple et efficace.
I Le châssis.
A. Le choix.
Après avoir très rapidement écarté l’idée d’une borne dédiée, j’ai pensé utiliser un panneau de commande Taito Vewlix L 1L7B dont je n’avais pas l’usage, allant même jusqu’à envisager l’utilisation d’une base complète qui m’aurait permis d’aller jusqu’au bout du concept du Sega HSS-0130. Mais la solution confinait à l’absurde (autant prendre une borne complète) et nécessitait tellement de travail et de modifications que le jeu n’en valait pas la chandelle.
Toutefois, même si je n’allais pas aller jusqu’à acheter une borne complète pour tester mes cartes, un écran restait indispensable et, au point où j’en étais, autant ajouter un jeu complet de commandes. En outre, la station ayant vocation à rester dans mon atelier, par définition poussiéreux, la protéger dans un coffret ne relevait pas du luxe ostentatoire, bien au contraire.
D’où mon idée d’intégrer le tout au sein d’un bartop, la solution à mi-chemin entre la borne complète et la disposition du matériel à même l’établi. Ce n’est pas un concept qui me tient particulièrement à cœur, même si je me souviens d’une très plaisante partie de Flash Gal sur un équipement de ce genre, mais force est d’admettre que l’objet permet de protéger le matériel électronique tout en restant transportable et en conservant une grande facilité d’utilisation.
Sauf que dernièrement, l’arcade est à la mode et qu’au milieu des quelques bonnes volontés, beaucoup de rapaces essayent de s’approprier malhonnêtement le (fruit du) travail d’autrui en leur proposant des produits médiocres à des prix inversement proportionnels à la qualité. Et, ironiquement, une bonne partie du matériel sélectionné vient de personnes pas forcément au-dessus de tout soupçon, mais tant pis : j’ai privilégié le rapport qualité/prix au détriment des rumeurs, me concentrant sur mes expériences passées.
De fait, je sais parfaitement que la personne derrière Arcade Forge est controversée, mais je me contente de voir que l’individu en question, à qui j’ai déjà acheté un SLG-3000, ne m’a jamais escroqué ou menti et que, globalement, l’individu travaille bien et le contact est agréable et sans prétention : quand il ne connaît pas la réponse à l’une de mes questions, il me le dit sans détour, ce que j’apprécie fortement. Qui plus est, son kit est parmi les moins chers, avec une finition correcte qui n’est pas pire que ce que l’on peut trouver chez Ikea et une conception plus au fait de la réalité du quotidien que les autres offres du marché. N’étant pas menuisier, j’ai donc utilisé sa solution.
B. La décoration.
Pour la décoration, et parce qu’un bartop est plus dans l’esprit arcade occidental que japonais, j’ai voulu rester fidèle à la philosophie Jeutel, pour l’usage du bois et la culture du bricolage. J’ai donc utilisé une peinture à l’huile de type glycérophtalique, en finition noire satinée, que j’ai un peu surchargée au niveau des deux couches afin de retrouver le toucher caractéristique de ces bornes-là (ou tout du moins : le souvenir que j’en ai).
Je suis par contre resté sobre au niveau des couleurs, me contentant de quelques pointes de rouge (au niveau de l’auvent, des liserés, de la boule du levier et des boutons), l’intérieur restant quant à lui blanc par souci de clarté.
Cela a deux avantages. D’une part, cela m’évite de m’enfermer dans un thème trop étriqué et de devoir choisir un jeu en particulier parmi tous ceux que j’aime. En outre, cela ne correspondrait pas à l’esprit à la fois de la station de test — forcément de nature anonyme — et de Jeutel dont les bornes étaient génériques. Enfin, mais cela relève plus d’un plaisir personnel que d’un gain avéré, cela me permettait d’insérer une citation latine assez peu connue en dehors des cercles érudits : et in Arcadia ego, locution exprimée par la Mort et signifiant « Même en Arcadie, j’existe ».
La référence est double, puisque l’Arcadie est traditionnellement le pays des délices, mais c’est aussi le nom communément associé aux jeux qui m’intéressent. Pourtant, la filiation est loin d’être évidente, car à l’origine, le mot arcade vient du latin arcus (l’arc), qui a donné au XVIe siècle l’occitan arcada (l‘arche).
De fait, une arcade est à l’origine une succession d’arches, dont l’utilisation a débouché sur la création au XVIIIe siècle des marchés couverts (les shopping arcades), dont l’utilisation s’est tout naturellement diversifiée avec notamment, à la fin du XIXe siècle, les amusement parlors (les salons de divertissement) qui ont évolué en penny arcades (salles de jeux), un terme péjoratif utilisé dès les années 1905-1906 pour désigner les nouvelles machines à sous — dont le représentant le plus célèbre reste le fameux « bandit manchot », encore très présent dans les casinos —, accusées par les réformateurs urbains d’alors de corrompre moralement la jeunesse. Le terme est resté avec l’apparition progressive des jeux électroniques, dont le premier représentant fut le Money Honey (1963) de Bally qui, de par son important succès, a ouvert la voie aux jeux vidéo qui ont par ailleurs repris les différents châssis des machines à sous, dont le format bartop.
Bien évidemment, les arcades n’ont aucun rapport avec la première occurrence connue du mot Arcadie (du Grec Arkadia), qui désignait à l’origine une région de la Grèce dont la capitale était Megalopolis, puis, au XVIIe siècle, des cercles de discussion « pirates » créés en réaction aux Académies, cercles « officiels » et réservés à certains privilégiés. Parallèlement, le Guerchin et Poussin ont réalisé des tableaux reprenant la mythologie de l’Arcadie en temps que pays de l’Âge d’or, s’appuyant sur la fameuse locution et in Arcadia ego.
(Ce qui donne d’ailleurs à l’Arcadia du capitaine Harlock sa signification double de paradis — entre deux combats, chaque membre de l’équipage vit comme il l’entend, ce qui est la fondation même du bonheur — et de bastion rebelle combattant un ordre élitiste.)
Je passerai très rapidement le cas d’Olympus no Tatakai (The Battle of Olympus en Occident), sorti sur la Nintendo Famicom en 1988 et dont le lieu de départ est l’Arcadie, pour m’intéresser au second tableau de Poussin, qui met l’accent sur la tradition héritée de Pline l’Ancien, selon laquelle l’ombre du berger — que ce dernier circonscrit de son doigt — est la première image de l’histoire de l’art. Or, l’ombre — dont le ton naturel tend vers le noir — est également le symbole de la Mort, d’ailleurs grassement symbolisée dans la première version par un crâne posé sur la tombe. Ce qui signifie que l’art serait la première réponse de l’Homme à la découverte de sa finitude et, par extension, que l’art défie la mort ; à l’instar de la Mort, l’art est aussi en Arcadie.
Or, toute l’équation des jeux d’arcade repose sur l’équilibre entre le temps de jeu accordé avant la fin — la mort — de la partie (le game over) ; trop court, le jeu n’est pas intéressant pour le joueur, trop long, le jeu n’est pas rentable pour l’exploitant. En outre, de même que le jeu vidéo est de plus en plus communément accepté en tant qu’art, certains joueurs sont eux-mêmes considérés comme des artistes, voire des sportifs, et il n’est pas rare de saluer un beau jeu ; comme en sport, une belle action peut ainsi être considérée comme de l’art. L’Arcadie électronique perpétue donc le combat de l’art contre la Mort, tant durant les parties que lors des réparations des cartes, où l’on ressuscite une carte morte, par suicide ou accident, voire tout par vieillesse ; il s’agit alors d’une seconde vie, d’une continuation (continue).
II L’électronique
A. Les composants.
Forcément, le composant central est un supergun. J’utilise ici le MAK Strike v3 d’Arcade Forge, actuellement le plus évolué du marché, qui dispose entre autres raffinements d’un afficheur de tension pour le 5V. Il est en outre extrêmement polyvalent et s’adapte sans effort à toutes les configurations avec ces borniers à vis permettant d’accéder à tous les signaux qui y transitent. Enfin, j’ai particulièrement apprécié le réglage du signal RGB avec une molette unique, qui rend ce dernier beaucoup plus simple et efficace.
La partie vidéo est assurée par un moniteur L.C.D. de XX pouces de marque XX, connecté par le biais d’un convertisseur Gonbes CGA/EGA/YUV vers VGA, le GBS 8200 4.0, et d’un Arcade Forge SLG-3000 pour l’ajout des lignes de balayage tandis que la partie audio consiste en deux enceintes reliées directement au supergun.
Plus intéressante, la partie J.A.M.M.A. de ce dernier est connectée à un Super Dual-Plug, lui-même branché à une rallonge J.A.M.M.A. femelle/femelle qui sortira du boîtier et servira pour les cartes à cette norme, ainsi qu’à un convertisseur Capcom pour les systèmes au format J.V.S.
Enfin, j’utilise une alimentation arcade de marque Min Hong ainsi que des leviers et boutons de marque Sanwa, en plus de diverses bricoles génériques, telles que des connecteurs sur embase, des pieds pour circuits imprimés, des câbles et des cosses, etc.
B. Le circuit.
Le circuit est donc relativement simple :
Au niveau électrique, le courant arrive par une prise Europa reliée à l’alimentation et au moniteur, la phase et le neutre transitant par un interrupteur alors que la terre est en ligne directe. L’alimentation est reliée à la barre L.E.D. de l’auvent, ainsi qu’au convertisseur V.G.A. et au supergun, qui gère la vidéo, le son, les commandes et les signaux J.A.M.M.A.
Le son est reproduit par deux haut-parleurs directement connectés au MAK Strike tandis que la vidéo transite donc par le GBS 8200, puis par le SLG-3000 qui se charge donc d’ajouter les lignes de balayages à l’image fournie au moniteur. Les commandes sont quant à elles directement câblées sur le supergun, à l’exception d’un bouton réservé au Super Dual-Plug. Amovible et remplaçable, le panneau de commande est de type 1L7B, avec six boutons d’action et un bouton de joueur. Trois boutons supplémentaires sont situés en façade pour le crédit, le test et le service.
Enfin, le Super Dual-Plug est donc connecté à une rallonge J.A.M.M.A. en carte 1 et à l’interface Capcom en carte 2. Cette dernière est connectée en entrée à des connecteurs V.G.A., U.S.B. et jack. Deux ventilateurs complètent ces prises arrière afin d’évacuer la chaleur.
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