Développeur et éditeur : SUNSOFT
Systèmes : Famicom/Nes/Playstation
Testé sur Famicom
De nos jours, "rare" constitue un terme abusivement mentionné dans bien des annonces de vente , tentant de justifier des prix à 3, 4 chiffres minimum, et dénaturant ainsi tout le concept d'un jeu qui se résumera à "c'est beau, c'est rare, c'est cher". Le dit jeu voyagera alors de mains en mains, entre le vendeur peu scrupuleux et l'acheteur compulsif voulant combler ce vide laissé par le désir de posséder et de le faire savoir, mais ne jouera quasiment pas.
L'amour de l'objet matériel est en sois louable, mais pour certains c'est loin de suffire. Il y a des joueurs pour qui le jeu vidéo est un tout, à la fois objet d'art, de culture, de plaisir. Ces joueurs qui, dans la recherche perpétuelle de pépites mal connues et le besoin d'étancher une soif d'apprendre de la culture vidéo-ludique, s'évertuent à retrouver ce sentiment de découverte d'un jeu accusant pourtant 20 années d’existence, découverte teintée de nostalgie, d'une émotion sans pareil faite d'un respect du travail bien fait, d'un habillage visuel et sonore surprenant, d'un excellent gameplay et de fun ; tous ces facteurs se magnifiant de façon complémentaire pour donner naissance à un joyau pour lequel le joueur donnera tant d'amour.
Et bien que rareté ne soit pas forcément synonyme de qualité, Gimmick! fait à coup sûr partie de la catégorie des jeux peu connus qui cachent en réalité une pure merveille. Accouché par SUNSOFT en 1992 sur Family Computer, il s'agit d'un jeu de plate-forme à la fois étonnant, beau, et innovant. Sorti en PAL sur NES uniquement sur le territoire scandinave (sous le nom de Mr Gimmick!) et jamais sorti sur le territoire américain, expliquant ainsi sa relative méconnaissance du grand public occidental, Gimmick! est considéré comme rare, et est l'un des jeux les plus recherchés et convoités de la famicom.
Cover la version Famicom. Cover de la version NES.
Trêve de bavardage sur l'argent et sa justification, ce qui fait de Gimmick! une oeuvre à découvrir et arpenter, ce sont bien ses qualités en tant que jeu-vidéo.
J'entends ou je lis souvent, dans les différents tests que je consulte, que le scénario n'est pas important. Il s'en retrouve alors survolé pour enchaîner par l'habillage direct du jeu. Pourtant, et bien-sûr si elle est bien écrite, l'histoire d'un jeu peut paraître obligatoire , d'une part afin de comprendre ce qu'il se passe, et d'autre part pour impliquer encore plus le joueur.
La découverte de Gimmick! se fait grâce à un petit comic fourni dans la boite Famicom, dont la trame est reprise dans l'introduction du jeu nous expliquant les événements qui vont se dérouler sur l'écran. Un père cherche dans un magasin un cadeau d'anniversaire pour sa fille. Au détour d'un rayon, le père choisit une peluche nommée "Yumetaro", sorte de petit dragon vert mignon aux gros yeux ressemblant au "Tamagon", héros protagoniste du jeu Devil World.
Un chouette mini comic est livré avec le jeu.
Un concept simple (on pourra faire le rapprochement avec le plombier allant délivrer la princesse), mais très original, excellemment décrit et amené pour entraîner l'immersion du joueur dans cet univers fantastique à la fois enfantin et émouvant. Point de textes explicatifs, la force de cette introduction se fait à travers les images, celles-ci se suffisant à elles-même tant dans la compréhension que l'émotion, et appuyant de fort belle manière un caractère subversif qu'il est impossible de ne pas ressentir. Le joueur le plus impliqué notera la qualité du travail dans la force donnée aux images et aux détails des expressions, le tout renforcé par le contexte tragique du thème de la jalousie du fait d'individus, ici des jouets, qui ne sont pas fondamentalement mauvais mais qui peuvent être amenés à commettre des actes versant du côté du mal. On peut y voir un parallèle avec la nature humaine faisant que chacun est parfois prêt à tout pour obtenir une attention et un amour exclusif.
Il y a les jeux qui sont beaux, sans pour autant forcer l'admiration, et les jeux qui vous décrochent la mâchoire à la première vision. Les sens sont en éveille, l'emballage crève l'écran, et nous en venons parfois à nous dire qu'il s'agit d'un tour de force de développement au regard de la machine sur laquelle tourne ces merveilles.
Gimmick! comprend 6 stages de base, avec chacun un thème particulier (forêt, piraterie, mines...). Et ce qui est sûr, c'est que c'est beau !
Un septième stage, accessible sous certaines conditions que j'aborderai plus loin, existe et constitue le véritable final de l'aventure. Je ne vous gâcherai pas le plaisir au détour de spoils, voir ce stage est un aboutissement et sa découverte un moment à savourer pour le joueur téméraire (et croyez moi, accéder au septième stage est loin d'être un parcours de santé).
Couleurs chatoyantes, tons pastelles et sombres génèrent un mix de toute beauté dans Gimmick!. Les décors lumineux sont équilibrés avec les décors plus ténébreux, on passe de la lumière à l'obscurité et vice-versa à maintes reprises et paradoxalement l’enchaînement passe presque inaperçu, si ce n'est ce constat d'avoir devant les yeux des graphismes magnifiques. Les animations ne sont pas en reste, à l'image de ces chutes d'eau criantes de vérité, de la houle, de mouettes en fond de décors, de tapis roulants qui n'ont jamais été aussi fluides. Le contenu de chaque stage est de plus en adéquation parfaite avec les thèmes abordés : des wagonnets dans les mines, des insectes et des animaux dans la forêt, des lances cachées dans les murs du temple...Rien n'est à jeter, tout est parfaitement cohérent.
Les musiques viennent compléter ce tableau idyllique avec des mélodies bluffantes, à la fois mignonnes, inquiétantes, en accord avec les thèmes des stages, une immersion parfaite dans un monde imaginaire et des notes retenues rapidement qu'on se surprendra à siffloter de temps à autres. A noter que la version famicom est munie de sons supplémentaires par rapport à son homologue NES, et ce ne sont pas de petits rajouts, la différence est bien notabls et la bande sonore famicom est un délice auditif de tous les instants. Une petite manip permet d'ailleurs de se faire plaisir en accédant au "sampler" du jeu, où les plus acharnés remarquerons qu'une des musiques en écoute ne figure dans aucun niveau ou scène du jeu.
Que ce soit le visuel ou le sonore, l'effet de surprise est donc garanti et il est difficile de croire, parfois, que tout cela se passe bien sur Famicom. La 8-bit de Nintendo sortie en 1983 s'arrache les tripes dans tous les domaines, elle cache bien son jeu la coquine ! Le fait que Gimmick! soit sorti en fin de vie de la console y joue probablement beaucoup, mais force est de constater un travail colossal du côté de l'habillage de la part de sunsoft, le jeu ne ferait pas pâle figure sur une console 16 bits. Une patte graphique sans pareil magnifiée par des musiques envoûtantes, la recette est bien dosée et saura faire craquer les plus exigeants.
Il est bien connu que l'esthétisme ne fait pas tout, c'est d'ailleurs le cas pour les jeux dits "moches" mais addictifs de fun, ou à l'inverse des jeux qualifiés de "beaux" mais qui se révèlent des catastrophes de jouabilité. Concernant Gimmick!, son gameplay est à la fois surprenant et innovant.
2 : Nombre de vies restantes, on commence avec 3 vies et des extends sont accessibles par le score (le premier à 10,000 pts puis à raison de paliers à 30,000 pts, 60,000 pts...).
3 : Jauge de vie, une vie est perdu lorsque cette jauge est vide. Le joueur commence chaque stage avec 2 points de vie.
4 : Stock d'items, 3 sont stockables au maximum. L'item de gauche est toujours utilisé en priorité, mais il est possible de changer l'ordre des items avec la direction bas.
Les stages de Gimmick! sont jalonnés d'items différents, qui sont soit des objets redonnant de la vie, ou bien des armes spéciales.
La boule de feu part horizontalement et traverse tout l'écran ; elle permet d'éliminer certains ennemis résistants en un seul coup. La bombe suit une trajectoire en courbe, elle peut éliminer des ennemis insensibles à l'étoile et à la boule de feu. Yumetaro peut également monter dessus à l’instar de l'étoile.
Et au pad, ça se manie comment ? De façon assez claire et concise, la maniabilité permet pas mal de mouvements tout en restant simples. Les combinaisons permettant d'utiliser les items stockables sont rudimentaires.
Si les commandes répondent dès les premières parties au doigt et à l’œil, l'étonnement vient tout d'abord d'une approche plutôt originale des capacités de Yumetaro : il ne s'agit pas d'utiliser une arme de point, de lancer des boules de feu ou encore de sauter sur les ennemis pour les vaincre. Dans Gimmick!, le joueur utilise une étoile. Cet artefact, matérialisé au-dessus de la tête de Yumetaro en maintenant le bouton enfoncé, représente le couteau suisse assurant votre survie, et est au cœur du concept de jouabilité du soft. La lancer permet bien-sûr dans un premier temps de se débarrasser des ennemis, mais l'étoile possède des atouts beaucoup plus complexes comme les rebonds sur les murs et le sol ; elle peut alors être utilisée comme une plate-forme à part entière aidant le joueur à atteindre des endroits difficiles d'accès ou à traverser moult terrain piégés sans encombres.
La jouabilité a donc ceci d'original que l'étoile possède un moteur physique véritable et très poussé, tenant compte des paramètres tels que l'inertie, la vitesse, les angles des murs et des terrains. Ajoutons à cela que Yumetaro obéit également aux lois de la dynamique, notamment dans sa prise d'élan ou dans l'amplitude de son saut, et nous obtenons un gameplay novateur et addictif.
Evidemment, c'est dans ce maniement si particulier que réside la principale difficulté de Gimmick!, le jeu fera constamment appel à l'étoile, que ce soit pour des ennemis récalcitrant ou des endroits à atteindre absolument, et mettra à rude épreuve votre habileté à l'utiliser. Un concept fun donc, au prix d'un entrainement intensif et d'une maîtrise obligatoire de tous les aspects physiques précédemment cités. Pour en rajouter une couche, il est impossible de lancer plusieurs étoiles à la fois ; une nouvelle étoile ne pourra être générée qu'à partir du moment où la précédente a disparu de l'écran de jeu.
Un autre aspect difficile de Gimmick!, et pour le moins inhabituel au début, est la gestion des ennemis et vos interactions avec ceux-ci. Le jeu regorge d'un florilège étoffé de peluches et autres jouets, la plupart souhaitant évidemment votre perte :
Les blobs constituent l'ennemi principal et c'est lui qui est le plus souvent croisé. Il intervient sous diverses facettes, allant de la plus simple jusqu'à la plus armée (blob avec un arc) en passant par le roi blob, le blob électrique, ou encore le blob avec une lame. Bien qu'étant un ennemi de base, le blob est déjà un sacré empêcheur de tourner en rond, vif, rapide, et qui colle au train telle une sangsue. Ajoutons à cela qu'il est capable de sauter de plateforme en plateforme, et nous avons là un opposant certes parfois stupide, mais qui reste extrêmement embêtant surtout s'il se déplace en groupe de plusieurs individus.
Et oui, voilà un ennemi qui poursuit sans arrêt, et qui est capable de sauter sur les plateformes !
Les archés disposent de réflexes ultra rapides ; ils tirent quasi-instantanément en voyant Yumetaro.
Bien d'autres ennemis jalonnent le monde de Gimmick!, la plupart apparaissant dans les stages aux thèmes appropriés : la chenille et le renard dans la forêt, nessie vous emmène sur l'eau jusqu'au temple en ruine, le minier vous attendra...dans la mine, ou encore le petit yéti vous causera du tort sur la calotte glaciaire menant à la forteresse. Le côté inhabituel dans la gestion des ennemis ressort lors des premiers pas du joueur sur le jeu, en effet le joueur s'évertuant à éliminer par habitude chaque danger comprendra vite que ce n'est pas la meilleure solution. Le joueur se surprendra alors à souvent éviter les risques, sautant par-dessus une chenille, ou encore en laissant passer les insectes volant avant de continuer son périple. La survie ne dépend donc pas uniquement de l'attaque mais également de la défense et de l'évitement des menaces. Que ceux qui crient à la lâcheté se calment, bien des ennemis sont en réalité pacifistes et réagissent au constat "tu me cherches, tu me trouves" ; et bien qu'ils constituent évidemment un obstacle dans la progression, les éviter et les laisser tranquilles sera plus judicieux que de les attaquer de front systématiquement.
Un aspect surprenant qui prend tout son sens grâce à l'univers mignon du jeu. Certes Yumetaro se confrontera à bien des dangers, mais parfois les jouets, et même s'ils sont en travers de votre chemin, n'auront rien demandé et voudront vivre dans le meilleurs des mondes, où tout le monde se fait des bisous.
Bon, rangeons les mouchoirs malgré tant d'amour et d'humanité, les boss devront bel et bien être éliminés, pas possible de passer outre. Chaque stage comprend son boss de fin, avec parfois des semi-boss.
Je ne spoilerai évidemment pas le boss final (le vrai, l'ultime, le true last boss dans le jargon) pour ne pas gâcher la surprise. Vous trouviez les blobs récalcitrants ? Attendez d'affronter ne serait-ce que la peluche pirate du stage 2. Les boss ont la particularité de disposer de scripts très poussés, certains réagiront à chacun de vos mouvements de façon optimisés soit pour vous atteindre à coup sûr, soit pour éviter de se faire toucher. A titre d'exemple, la peluche pirate reculera pour vous éviter, avancera si vous êtes trop loin, mais gardera toujours la bonne distance permettant l'attaque ou la défense parfaite. Attaque, saut, protection, certains boss deviendront de véritables plaies nécessitant pas mal d'entrainement pour trouver un moyen ou même une faille pour s'en débarrasser.
"Tu avances, je recule. Tu recules j'avances...Haha ! Mon épée me protège contre ton étoile !" L'IA est souvent très bien travaillée.
Si le challenge devient intéressant ou bien éreintant selon le point de vue, Sunsoft en rajoute une couche avec des items spéciaux disséminés dans le jeu.
Tout stage contient un trésor caché, pour ne pas dire très bien caché, et leurs localisations ne sautent pas aux yeux de prime abord. Ils sont bien-sûr difficiles d'accès mais les récupérer est essentiel pour avoir le droit d'accéder au septième stage et d'affronter le véritable boss final. Le mérite prend alors tout son sens ici, investigations des lieux, maniement de l'étoile, dextérité, et concentration sont obligatoires pour dénicher les items sacrés. Et pour certains d'entre-eux, un sang-froid et un calme olympien seront de cruciaux alliés.
Un indice, chez vous : Une explosion au stage 3 et tu me trouveras, mais qui s'y frotte s'y pique".
Si c'est pas vicelard ça, il faut utiliser l'étoile pour atteindre le trésor, mais un seul essai est octroyé. Le raté = perte de vie.
Si les moins courageux termineront Gimmick! en passant outre la quête des trésors, ils auront droit à la fin la plus triste, du point de vue d'un enfant (et du miens), que le jeu vidéo ait pu montrer. La difficulté est certes présente mais ce n'est pas non plus impossible, l'entrainement et l'engagement investi n'en seront que mieux récompensés.
Une fois que vous aurez vu l'ignoble "bad ending", croyez moi la quête des trésors deviendra indispensable.
Gimmick! est un jeu rare, mais pas seulement au niveau de l'objet matériel. Le terme de rareté peut ici s'appliquer à autant d'aspects que la qualité, le travail apporté, la jouabilité, le visuel et le sonore. Si internet et le bouche à oreille moderne (mâtiné d'une spéculation inévitable) contribuent à développer une aura grandissante qui conduit au must activement recherché et dont les prix s'envolent de façon exponentielle, il ne faut pas voir en Gimmick! un simple objet de luxe pour collectionneur acharné. Il s'agit là d'une expérience unique et bluffante, tant extrinsèquement qu'intrinsèquement, et que tout joueur se doit de tester et vivre.
Celui qui cherche la pépite qui lui apportera bonheur et volupté ne pourra qu'être comblé, c'est beau, immersif de part son univers et son histoire, original, innovant, jouable, fun et terriblement addictif. Saupoudrez le tout d'un challenge très relevé mais pas insurmontable, et vous obtenez un met vidéoludique de choix frisant la perfection, un tout formé de facteurs esthétiques et pratiques complémentaires pour lequel ne vient jamais poindre un quelconque goût fadasse.
Bien-sûr le jeu sur Famicom/Nes est hors de prix, mais sachez que Gimmick! existe sur PSX, sur la compilation Memorial * Series: Sunsoft Vol. 6 ; vous n'aurez donc plus d'excuses pour ne pas vous y essayer.